Au lendemain d’une nuit d’émeute …

Yaël, Enseignante à l’école Paul Langevin de Strasbourg

« Il y a quelques jours un policier a tiré sur un jeune homme, en plein cœur. C’était dans la ville de Nanterre. Dans une cité. Le jeune homme s’appelait Nahël. Il avait 17 ans. C’est la mort de Nahël qui a mis en colère les jeunes dans les cités.

J’ai vu des voitures et des poubelles brûler. J’ai vu des camionnettes de police qui allaient très vite.

En arrivant à l’école, j’ai vu une grosse poubelle renversée.

J’ai entendu des cris perçants, des gens qui criaient.

J’ai entendu des pétards, des mortiers.

J’ai senti les gaz lacrymogènes. J’ai senti que les gaz lacrymogènes m’empêchaient de respirer. Ça piquait le nez. J’ai senti de la fumée.

Des gens ont essayé de dire aux jeunes d’arrêter mais ils ont continué. Ce n’est pas juste.

J’étais en colère car la police a tué un ado de 17 ans.

Je suis en colère parce que les jeunes attaquent les policiers et brûlent les voitures alors qu’on n’a rien fait.

Je suis en colère car la fête de l’école est annulée.

J’ai senti de la colère parce que les voitures étaient brulées et parce qu’un policier a tué un jeune garçon.

Je me suis senti deux fois plus triste parce qu’ils ont brûlé le RDC de l’école M. Perey et que c’est mon ancienne école. »

Paroles* des enfants de la classe de CE2/ CM1 de l’école Paul Langevin le 30 juin 2023.  

*après 30 min de discussion connective, 15 min d’écrits individuels. Puis collecte des écrits sous forme de dictée à l’adulte.

 

L’école, le collège, les voitures, l’aquarium et l’abribus. Tous sont partis en fumée. La nuit de violence qu’ont connue les enfants, cette nuit, au pied de leur immeuble, ils ne l’oublieront pas. L’odeur de la lacrymo jusque dans leur chambre ou leur salon en pleine nuit, ils ne l’oublieront pas.

Pourtant, ils sont les oubliés …

Nahël s’est fait tuer et ça aurait pu être n’importe lequel de ces enfants en colère. Tous le savent.  Ils s’attaquent au monde qui les entoure, à ce dont ils ont besoin. Mais le monde alentour n’est pas rassurant pour eux. Impossible de se réfugier, trouver les solutions. Ils sont coincés là, sans pouvoir s’exprimer. Alors, comme un enfant en colère qui casse ses propres jouets dans sa chambre quand il est en colère, ils détruisent et mettent à feu leur quartier. Difficile de s’opposer à eux, par peur de représailles. Les habitants du quartier deviennent ainsi otages de cette colère.

 

Une émeute est le langage de ceux qu’on n’entend pas. Marthin Luther King